Nouvelles définitions, nouveaux enjeux face à la pandémie
Dans un monde qui change vite, le musée cherche sa place entre nouvelles technologies, nouveaux visiteurs et de plus en plus de contraintes. Pour preuve, les nombreux débats au sein de l’ICOM pour prendre en compte les nouveaux éléments, sans oublier les missions traditionnelles du musée : conserver, étudier, transmettre…
Définition en vigueur adoptée lors de la 22ème Assemblée générale de l’ICOM à Vienne, Autriche, le 24 août 2007 :
« Le musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation.»
Proposition examinée à l’AG de l’ICOM le 7 septembre 2019, à Kyoto, Japon et dont le vote a été reporté :
« Les musées sont des lieux de démocratisation inclusifs et polyphoniques, dédiés au dialogue critique sur les passés et les futurs. Reconnaissant et abordant les conflits et les défis du présent, ils sont les dépositaires d’artefacts et de spécimens pour la société. Ils sauvegardent des mémoires diverses pour les générations futures et garantissent l’égalité des droits et l’égalité d’accès au patrimoine pour tous les peuples. Les musées n’ont pas de but lucratif. Ils sont participatifs et transparents, et travaillent en collaboration active avec et pour diverses communautés afin de collecter, préserver, étudier, interpréter, exposer, et améliorer les compréhensions du monde, dans le but de contribuer à la dignité humaine et à la justice sociale, à l’égalité mondiale et au bien-être planétaire. »
Comment les musées font face au contexte Covid-19
A tous ces défis s’ajoute un contexte humain et économique particulièrement difficile.
L’article de France Culture « Covid-19 : comment vont les musées » souligne des situations contrastées entre les établissements culturels selon leur position géographique et leur modèle économique depuis la fin du (premier ?) confinement.
« Pour autant, elle reste bien meilleure qu’à l’étranger, en particulier aux États-Unis où des établissements sont déjà allés jusqu’à vendre des œuvres pour survivre. »
« Les plus petites structures s’en sortent mieux »
Effectivement les musées en province ou les petits établissements parisiens connaissent une baisse de fréquentation largement inférieure à celle des grands établissements. (75% en juillet et de 60% en août pour le Louvre, le musée d’Orsay-musée de l’Orangerie subit lui une perte pour 2020 de 28 millions d’euros).
Émilie Girard, directrice scientifique du Mucem et vice-présidente de la branche française de l’ICOM, le Conseil international des musées, explique : “Pour les musées en région, le public de proximité a davantage remis un pied dans leurs établissements. Donc le différentiel de fréquentation est moins important que dans les musées parisiens, davantage concernés par un public touristique étranger.” En effet, à l’été 2019, les étrangers représentaient les trois quarts des visiteurs du Louvre, 80% à Versailles.
Le tabou américain
Alors que la situation en France inquiète le monde culturel, un cap a été franchi outre-Atlantique.
Jusqu’au 10 avril 2022, les établissements ont désormais le droit de mettre en vente les œuvres. « Le 15 octobre dernier, le Brooklyn Museum à New-York a ainsi mis en vente aux enchères douze de ses œuvres, de Courbet à Cranach l’Ancien, en passant par Corot. »
En France, cette décision choque car elle va à l’encontre de la définition même du musée. Les établissements européens ont par ailleurs l’habitude de pouvoir normalement compter sur l’aide publique en cas de problème économique.
Jean-Michel Tobelem, professeur associé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directeur d’Option Culture (organisme d’études et de conseil), explique : « les musées doivent « réfléchir à leur mission fondamentale » ».
Pour lui, certains grands établissements comme les musées parisiens doivent comprendre que leur mission n’est pas d’augmenter chaque année le nombre de visiteurs pour engendrer plus d’argent mais bien de servir les citoyens. Par ailleurs, il souligne l’importance de faire revenir les visiteurs locaux dans ces musées :
« Les visiteurs étrangers sont absolument bienvenus, mais à mon sens on finit par décourager nos concitoyens. Il y a des millions de Français qui peuvent accéder facilement aux grands établissements culturels français à Paris : ils ne s’y précipitent pas. C’est dommageable. Est-ce qu’on a donné l’impression que finalement ces établissements étaient plutôt pour accueillir des visiteurs étrangers, et que les Français n’y viendraient qu’une fois dans leur vie ? A-t-on incité les Franciliens à venir régulièrement ? Je ne suis pas sûr. Nous ne sommes pas là pour accueillir de plus en plus de visiteurs qui viennent de plus en plus loin pour faire de plus en plus d’argent. »
Reste à savoir maintenant comment la situation va évoluer, mais pour Emilie Girard les musées ont conscience qu’ils doivent avancer à pas mesurés et qu’ils vont devoir réinventer certains modèles pour survivre et faire face.